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Le rire des muets
Le rire des muets
A la traque d’une ombre
j’ai rogné mes talons
A suivre un feu follet
j’ai brûlé mon regard
Scalpel du silence
Entaille
Et l’ombre a dévoré
ma mémoire de l’ombre
Au ventre de l’obscur
il n’y a pas de merveille
Au ventre de l’obscur
juste des froissements
Je ne saurai jamais
le visage
derrière l’icône glacée
et la chair
sous la peau de papier
Au grand show de la mémoire
je tourne sans relâche
sur la piste aux images
et j’implore un souffleur
muet
A la cendre grise
des mots
j’ai blanchi mes souvenirs
Dans la lumière lépreuse
leurs soubresauts dérisoires
singent
la vie
Et si,
sous leur croûte écaillée
bouillonnait
ce qui
jamais
ne peut se dire ?
Mirages
sur la terre noire
et des larmes de cendre
pour en garder l’empreinte
Terre forée
muette sous les coups
mue offerte à la rouille
qui grignote des restes
et me ronge les yeux
Mais des voix sous le chaume
des chants dans la rizière
des cris dans l’ombre acide des arbres
et des rires
des rires d’enfants
Rien à voir
rien à entendre
rien à étreindre
du rien inaugural
se lève la tornade,
justifier le désastre,
y aller de sa trace,
être encore un trait noir,
être au moins une rature,
s’inscrire dans le séisme,
écrire, disais-tu ?
Egrainer les mots
au chapelet du temps
pour user le chagrin
et le rire des muets
qui hurle le refrain
Décoller des paupières
un regard chancelant
sur un désert miné
et le rire des muets
qui déchire le noir
Implorer les baisers
d’une bouche scellée
sur un dernier crachat
et le rire des muets
qui attise l’aria
Tendre une main désertée
pour griffer le papier
et l’habiter de noir
et le rire des muets
qui emblave le blanc
Premières lueurs, premiers mirages
et le rire des muets
pour ébrécher la gangue
Premiers sons, premiers mensonges
et le rire des muets
pour délier la langue
©Marie Motay
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